Quelles sont vos impressions six mois après votre arrivée au Sénat ?
Après un temps d’observation et d’adaptation durant lequel il a fallu comprendre les rouages de l’imposante machine qu’est le Sénat, je mesure encore difficilement la capacité qui nous est donnée de faire bouger les lignes. Ou plutôt, je crains de toucher du doigt ce que je redoutais… c’est donc avec une pointe de frustration que je me confronte aux limites du système.
Malgré cela, il n’est nullement question de faiblir dans l’exercice de la mission qui m’a été confiée par mes pairs : défendre nos territoires et user de ce précieux franc-parler ; au risque de bousculer certaines habitudes bien établies au Palais.
Enfin, il est rassurant de constater que les sénateurs, du fait de leur électorat, ont une fine connaissance des problématiques du terrain et font preuve d’une réflexion approfondie sur chacun des travaux amorcés. A titre personnel, quitter la mairie de Meung- sur-Loire, la Communauté de Communes des Terres du Val de Loire, la 1ère vice-présidence du CD 45 et enfin l’Association des Maires, a été plus difficile que je ne l’imaginais. Je mesure aujourd’hui le bonheur de l’élu local qui récolte immédiatement les fruits de son action. Très fière d’avoir transmis le flambeau, c’est avec enthousiasme que je vais de l’avant, accompagnée d’une équipe de collaborateurs motivés, plus déterminée que jamais à obtenir des résultats.
Quels travaux avez-vous engagés ?
Le premier devoir du sénateur est de prêter main forte aux élus de son territoire, et les assister de tout le pouvoir dont il peut jouir à la Chambre haute. En ce sens, mes journées loirétaines sont consacrées à la rencontre des élus, ainsi que des institutionnels, et des acteurs économiques et sociaux, sans oublier les nombreuses manifestations qui reflètent le dynamisme de notre département.
En ce qui concerne le Sénat, je m’investis tout particulièrement sur les sujets d’instruction au sein de la commission de la culture et de l’éducation. C’est aussi avec énergie que je me suis engagée dans la Délégation aux entreprises, afin de contribuer à la préservation et au développement du tissu économique français en essayant de simplifier leur quotidien. Je débute en ce moment, comme rapporteur, une mission d’information sur le financement de l’entreprise de demain. Et pour finir, c’est sans hésiter que je me suis inscrite dans le groupe de travail sur la désertification médicale, parce que je ne peux pas admettre cet état de fait.
Quel moment vous a le plus marquée pour l’instant ? Incontestablement le Projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Loin d’être un moment historique, après une longue réflexion et de nombreuses consultations, j’ai décidé de choisir mes combats et celui-ci était perdu d’avance. Il m’appartenait donc de valider cette intégration constitutionnelle, me libérant ainsi du piège habilement tendu par le gouvernement, qui a consisté à faire croire que voter contre la constitutionnalisation de l’IVG sous-entendait une opposition au droit à l’avortement, droit incontestable et incontesté en France aujourd’hui. Je déplore que le Président de la République utilise un sujet aussi intime pour les Françaises à des fins politiciennes. Il s’agit à présent de veiller à réellement protéger la femme en développant les centres de santé sexuelle au lieu d’en fermer, en veillant à ce que l’IVG ne devienne pas un mode de contraception ou en s’assurant que cette décision appartienne bien à la femme et non à son entourage.
Et si, comme me l’ont rappelé mes fils, le Sénat
sait vivre avec son temps, j’ai été particulièrement choquée des démonstrations triomphalistes de certaines sénatrices, persuadées de sortir victorieuses d’une bataille qui n’en est pas une. Une vraie offense à Simone Veil !
Pauline Martin
Février 2024