La santé mentale des jeunes en France : une réalité alarmante

La France est con­fron­tée à une crise silen­cieuse mais dévas­ta­trice : une inquié­tante altéra­tion de la san­té men­tale d’une par­tie de sa jeunesse. Les événe­ments récents – comme le meurtre d’une sur­veil­lante de col­lège à Nogent par un ado­les­cent – ont mis en lumière de façon exac­er­bée, une fois encore, une réal­ité alar­mante. Les trou­bles psy­chiques chez les jeunes sont en hausse, et les mesures actuelles sem­blent insuff­isantes pour y remédi­er.

Dans une société en per­pétuelle muta­tion, dans un monde com­plexe et par­fois déroutant, notre jeunesse cherche sou­vent à com­pren­dre quelle est sa place. Cette quête peut amen­er à explor­er les lim­ites et à trans­gress­er les règles établies, dans une ten­ta­tive de définir une iden­tité et des valeurs nou­velles. Cepen­dant, cette explo­ration n’est pas sans risques. La trans­gres­sion, lorsqu’elle n’est pas encadrée, peut men­er à des com­porte­ments dan­gereux. Il est cru­cial d’instaurer un dia­logue sur le respect de la vie et des valeurs humaines fon­da­men­tales. Les jeunes doivent être guidés pour com­pren­dre que trans­gres­sion ne rime pas avec destruc­tion, mais peut être un moyen de remod­el­er les normes de manière con­struc­tive et respectueuse.

En cela, la famille joue un rôle fon­da­men­tal dans le développe­ment et l’équilibre men­tal des enfants. Une famille sta­ble et pro­tec­trice offre un cadre sécurisant essen­tiel à leur épanouisse­ment. Elle est le pre­mier lieu d’apprentissage des valeurs, de l’empathie et du respect d’autrui. Les par­ents, par leur présence et leur sou­tien, aident les enfants à sur­mon­ter les défis de la vie et à con­stru­ire une estime de soi solide. Dans un con­texte où les pres­sions extérieures sont de plus en plus fortes, la famille reste un rem­part con­tre les trou­bles psy­chiques et un pili­er pour l’éducation et la social­i­sa­tion des jeunes.

Pour trou­ver les remèdes, sans doute faut-il s’interroger sur les caus­es, mul­ti­ples, de cette sit­u­a­tion. La pandémie de Covid-19 a joué vraisem­blable­ment un rôle, per­tur­bant la social­i­sa­tion et l’éducation. Les con­fine­ments suc­ces­sifs ont exac­er­bé les sen­ti­ments d’isolement et d’anxiété. Mais les racines du prob­lème sont plus pro­fondes. Les pres­sions sco­laires, les réseaux soci­aux, les incer­ti­tudes économiques et les boule­verse­ments socié­taux rapi­des con­tribuent à un envi­ron­nement stres­sant pour les jeunes esprits.

Le min­istre de la San­té, Yan­nick Neud­er, a dévoilé un « plan san­té men­tale » qui vise à ren­forcer la psy­chi­a­trie et à mieux pren­dre en charge les trou­bles psy­chiques. Ce plan com­prend plusieurs axes : le repérage pré­coce des trou­bles, la for­ma­tion des pro­fes­sion­nels de san­té et la créa­tion de cen­tres de soins acces­si­bles. Par­mi les mesures phares, on trou­ve la for­ma­tion de 300 000 sec­ouristes en san­té men­tale d’ici à 2027 et le dou­ble­ment du nom­bre de psy­cho­logues con­ven­tion­nés.

Cepen­dant, ces annonces soulèvent des ques­tions. Com­ment ces mesures seront-elles financées ? Seront-elles suff­isantes pour répon­dre à l’ampleur de la crise ? Les pro­fes­sion­nels de san­té et les asso­ci­a­tions restent scep­tiques, ils pointent le manque de moyens con­crets et la lenteur des mis­es en œuvre. La prob­lé­ma­tique cen­trale du rôle de l’éducation au sein de la famille demeure et ne trou­ve aucune réponse con­crète dans le pro­jet poli­tique (existe-t-il ?) actuel. C’est pour­tant l’un des piliers de la con­struc­tion d’une société plus douce, plus tolérante et plus inclu­sive que cha­cun appelle de ses vœux.

Les réseaux soci­aux sont sou­vent pointés du doigt. Ils peu­vent être à la fois un exu­toire et une source de pres­sion sup­plé­men­taire. Emmanuel Macron, il y a quelques jours, a souligné « une jeunesse qui a été per­cutée » par ces plate­formes. Con­cer­nant l’interdiction d’accès aux moins de quinze ans, il a ajouté : « C’est une com­pé­tence qui est à l’Europe. Je nous donne quelques mois pour arriv­er à faire la mobil­i­sa­tion européenne. Sinon […] on com­mence à le faire en France. On ne peut pas atten­dre. C’est une de mes pri­or­ités », ou encore : « Nous devons pro­téger nos enfants des dan­gers des écrans et des réseaux soci­aux, qui peu­vent nuire à leur développe­ment et à leur bien-être men­tal ». Mais com­ment véri­fi­er et appli­quer une telle inter­dic­tion ? La ques­tion reste ouverte et com­plexe.

Comme l’a souligné le pédopsy­chi­a­tre Mar­cel Rufo, « la san­té de nos jeunes est en péril ». Cette déc­la­ra­tion résonne comme un appel à l’action. Il est urgent de pren­dre des dis­po­si­tions con­crètes et effi­caces pour pro­téger la san­té men­tale des jeunes. On voit, mal­heureuse­ment par la suc­ces­sion d’événements de plus en plus bru­taux, que cela est devenu un enjeu majeur pour notre société. Les mesures annon­cées par le gou­verne­ment sont un pre­mier pas, mais elles doivent être accom­pa­g­nées de moyens financiers et humains suff­isants et avoir une portée plus générale qui englobe tous les domaines de la con­struc­tion de l’enfant. Selon le min­istre Yan­nick Neud­er, « la san­té men­tale est la grande cause nationale 2025 et nous souhaitons tous que cela ne reste pas qu’un slo­gan ».

Il est de notre respon­s­abil­ité col­lec­tive de veiller à ce que chaque jeune puisse grandir dans un envi­ron­nement sain et sécurisé, où sa san­té men­tale est prise au sérieux et pro­tégée.

Hugues Saury

17 juin 2025