L’interview de Pauline Martin

Quelles sont vos impres­sions six mois après votre arrivée au Sénat ?

Après un temps d’observation et d’adaptation durant lequel il a fal­lu com­pren­dre les rouages de l’imposante machine qu’est le Sénat, je mesure encore dif­fi­cile­ment la capac­ité qui nous est don­née de faire bouger les lignes. Ou plutôt, je crains de touch­er du doigt ce que je red­outais… c’est donc avec une pointe de frus­tra­tion que je me con­fronte aux lim­ites du sys­tème.

Mal­gré cela, il n’est nulle­ment ques­tion de faib­lir dans l’exercice de la mis­sion qui m’a été con­fiée par mes pairs : défendre nos ter­ri­toires et user de ce pré­cieux franc-par­ler ; au risque de bous­culer cer­taines habi­tudes bien établies au Palais.

Enfin, il est ras­sur­ant de con­stater que les séna­teurs, du fait de leur élec­torat, ont une fine con­nais­sance des prob­lé­ma­tiques du ter­rain et font preuve d’une réflex­ion appro­fondie sur cha­cun des travaux amor­cés. A titre per­son­nel, quit­ter la mairie de Meung- sur-Loire, la Com­mu­nauté de Com­munes des Ter­res du Val de Loire, la 1ère vice-prési­dence du CD 45 et enfin l’Association des Maires, a été plus dif­fi­cile que je ne l’imaginais. Je mesure aujourd’hui le bon­heur de l’élu local qui récolte immé­di­ate­ment les fruits de son action. Très fière d’avoir trans­mis le flam­beau, c’est avec ent­hou­si­asme que je vais de l’avant, accom­pa­g­née d’une équipe de col­lab­o­ra­teurs motivés, plus déter­minée que jamais à obtenir des résul­tats.

Quels travaux avez-vous engagés ?

Le pre­mier devoir du séna­teur est de prêter main forte aux élus de son ter­ri­toire, et les assis­ter de tout le pou­voir dont il peut jouir à la Cham­bre haute. En ce sens, mes journées loiré­taines sont con­sacrées à la ren­con­tre des élus, ain­si que des insti­tu­tion­nels, et des acteurs économiques et soci­aux, sans oubli­er les nom­breuses man­i­fes­ta­tions qui reflè­tent le dynamisme de notre départe­ment.

En ce qui con­cerne le Sénat, je m’investis tout par­ti­c­ulière­ment sur les sujets d’instruction au sein de la com­mis­sion de la cul­ture et de l’éducation. C’est aus­si avec énergie que je me suis engagée dans la Délé­ga­tion aux entre­pris­es, afin de con­tribuer à la préser­va­tion et au développe­ment du tis­su économique français en essayant de sim­pli­fi­er leur quo­ti­di­en. Je débute en ce moment, comme rap­por­teur, une mis­sion d’information sur le finance­ment de l’entreprise de demain. Et pour finir, c’est sans hésiter que je me suis inscrite dans le groupe de tra­vail sur la déser­ti­fi­ca­tion médi­cale, parce que je ne peux pas admet­tre cet état de fait.

Quel moment vous a le plus mar­quée pour l’instant ? Incon­testable­ment le Pro­jet de loi con­sti­tu­tion­nelle relatif à la lib­erté de recourir à l’interruption volon­taire de grossesse (IVG). Loin d’être un moment his­torique, après une longue réflex­ion et de nom­breuses con­sul­ta­tions, j’ai décidé de choisir mes com­bats et celui-ci était per­du d’avance. Il m’appartenait donc de valid­er cette inté­gra­tion con­sti­tu­tion­nelle, me libérant ain­si du piège habile­ment ten­du par le gou­verne­ment, qui a con­sisté à faire croire que vot­er con­tre la con­sti­tu­tion­nal­i­sa­tion de l’IVG sous-entendait une oppo­si­tion au droit à l’avortement, droit incon­testable et incon­testé en France aujourd’hui. Je déplore que le Prési­dent de la République utilise un sujet aus­si intime pour les Français­es à des fins politi­ci­ennes. Il s’agit à présent de veiller à réelle­ment pro­téger la femme en dévelop­pant les cen­tres de san­té sex­uelle au lieu d’en fer­mer, en veil­lant à ce que l’IVG ne devi­enne pas un mode de con­tra­cep­tion ou en s’assurant que cette déci­sion appar­ti­enne bien à la femme et non à son entourage.

Et si, comme me l’ont rap­pelé mes fils, le Sénat

sait vivre avec son temps, j’ai été par­ti­c­ulière­ment choquée des démon­stra­tions tri­om­phal­istes de cer­taines séna­tri­ces, per­suadées de sor­tir vic­to­rieuses d’une bataille qui n’en est pas une. Une vraie offense à Simone Veil !

Pauline Mar­tin
Févri­er 2024