La commission de la culture a participé à l’opération « Quart d’heure de lecture » nationale qui vise à sensibiliser les citoyens à l’importance de la lecture, et à encourager toutes les organisations, publiques et privées, à mettre en place des projets autour du livre et de la lecture.
Pauline Martin a choisi de lire un texte de Maurice Genevoix, La Loire, Agnès et les garçons. Le personnage du roman, Jean Rolin, raconte son voyage le long de la Loire, du fleuve à ses rives, mais son parcours est nourri de réflexions et d’anecdotes dont certaines avec une Agnès…
Et voici la Loire.
Elle vient de très loin, du fond du Massif central. Elle a traversé les monts, les plaines, les villes. Elle arrive ici, dans le val paisible, large, maîtresse d’elle-même.
Elle ne crie pas. Elle ne s’impose pas. Elle glisse, elle passe, elle s’offre à qui veut la comprendre. Elle est la dernière rivière sauvage d’Europe, et l’on comprend pourquoi. Elle n’est pas domptée.
Elle choisit ses lits, les abandonne, les reprend. Elle fait et défait ses îles.
Elle a ses secrets, ses brusques silences, ses humeurs douces ou terribles. Elle dort parfois. Elle se fâche soudain. Alors elle monte, elle gonfle, elle dévore. Et puis elle s’apaise, elle redescend, comme une grande bête lasse.
Les hommes l’aiment, la redoutent, vivent avec elle. Les pêcheurs, les jardiniers de ses bords, les enfants des villages l’approchent avec tendresse, avec respect.
Car la Loire, on ne la possède pas.
On la regarde, on l’écoute. On apprend à la lire, comme on lit un livre. On y cherche des reflets, des couleurs, des silences.
Parfois elle est blonde comme du sable. D’autres jours, elle est grise, lourde, couverte de brume. Et puis il y a ces soirs d’automne où elle devient un miroir de feu, une nappe d’or pur, où le ciel semble avoir fondu dans l’eau.
Et toujours elle avance, lente et sûre, comme une pensée ancienne.
À Meung, à Beaugency, à Saint-Laurent, à Jargeau, elle passe, elle regarde, elle emporte un peu de chaque chose, elle donne un peu de ce qu’elle est.
La Loire n’a pas de maître. Mais elle a des témoins. Ceux qui savent s’arrêter, regarder, se taire. Ceux qui l’aiment.