Les paroles et les actes
Depuis quelques jours, la scène politique française est secouée par la condamnation de Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national (RN), à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, assortis de cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire, pour détournement de fonds publics.
Cette décision judiciaire en première instance, rendue le 31 mars 2025, a déclenché une série de réactions et de manifestations, notamment de la part des partisans du RN qui dénoncent une instrumentalisation politique de la justice. Madame Le Pen et ses soutiens ont vivement critiqué le verdict, qualifiant la procédure de « scandale démocratique » orchestré par des « juges rouges ».
Cette rhétorique, visant à discréditer l’institution judiciaire, soulève des questions sur la cohérence entre les déclarations antérieures du FN/RN, qui prônaient le respect de l’État de droit, et leur refus actuel d’accepter une décision de justice défavorable. Rappelons que les faits reprochés remontent à la période entre 2004 et 2016, alors que Marine Le Pen déclarait en 2013 : « Quand allons-nous mettre en place l’inéligibilité à vie pour tous ceux qui ont été condamnés pour des faits commis à l’occasion de leur mandat ? »
En réponse à la condamnation, le RN a organisé un rassemblement à Paris pour soutenir sa leader et contester la décision de justice. Les conséquences ne sont pas neutres. Dans cette affaire de détournement d’argent public, celui de l’Union européenne, de plus de 4 millions d’euros au profit du parti pour lequel travaillaient de pseudo-assistants parlementaires, il faut être d’une absolue mauvaise foi pour nier la malhonnêteté.
Cette attitude réduit à peu de choses la tentative de respectabilité de ce parti qui montre son incapacité à observer la règle républicaine. Par ailleurs, inciter les électeurs à contester dans la rue la sanction des juges, cela revient à éroder leur confiance dans le système judiciaire. C’est la fin déclarée et assumée de l’État de droit et la porte ouverte à toutes les dérives. L’État de droit, ce concept pratique que l’on applaudit à la tribune… et que l’on conteste au tribunal.
Au même moment, sur la scène internationale, le président américain Donald Trump, dans un show médiatique dont il est adepte, annonçait une série d’augmentations des droits de douane visant tous ses partenaires commerciaux et notamment les plus importants, tels que la Chine, le Canada, le Mexique, le Japon ou encore les pays de l’Union européenne.
Ces mesures protectionnistes, justifiées par des calculs farfelus, poursuivraient ainsi le double objectif de s’opposer à la Chine et de réduire le déficit commercial américain, pour permettre la réindustrialisation du pays. Dans les faits, elles n’ont provoqué qu’une escalade des tensions commerciales et une chute importante des bourses mondiales.
Celui qui se veut être l’incarnation d’une Amérique toute-puissante a vite été rattrapé par ceux qui, en réalité, détiennent le pouvoir : les créanciers du pays. Il n’a fallu que quelques heures pour que le taux de la dette publique américaine à 10 ans passe de 4 à 4,5% après un pic à 4,9%. C’est parce que la dette fédérale est estimée à environ 35 000 milliards de dollars, soit plus de 120% du PIB, que les États-Unis ne peuvent se permettre de perdre la confiance des marchés.
Il est également notable que Donald Trump, tout en prônant des mesures protectionnistes, a reconnu que sa politique tarifaire pourrait entraîner des « problèmes de transition » pour l’économie américaine. Admettre maintenant de possibles perturbations contraste avec ses déclarations antérieures assurant que de telles mesures seraient sans conséquences négatives. L’incohérence du discours présidentiel accroît l’incertitude sur la scène économique internationale et précipitera la fin de très nombreuses entreprises à travers le monde.
La conjoncture actuelle met en lumière les tensions entre les déclarations politiques et les actions concrètes, tant sur le plan national qu’international. Ainsi, il est intéressant, et inquiétant, de mettre en parallèle le discours du RN et celui de leur ami, devenu gênant, président des États-Unis. En France, les réactions que suscite la condamnation de Marine Le Pen interrogent sur la cohérence du discours politique face aux principes de l’État de droit. À l’échelle internationale, les décisions commerciales des États-Unis sous la présidence de Donald Trump, imprévisible, irascible, prêt à s’affranchir de toutes les règles, rappellent l’importance de la stabilité et de la prévisibilité dans les relations économiques mondiales.
Quand la loi devient gênante, elle est soudain injuste. Le Pen comme Trump l’invoquent quand elle les absout, l’écrasent quand elle les contraint… Le Pen et Trump, ou l’art de se placer de façon provocatrice au-dessus des règles qu’ils prétendent défendre. Dans un cas comme dans l’autre, on voit que la parole des populistes ne résiste pas à la réalité des faits. Dans ce contexte, il est essentiel pour les acteurs politiques de privilégier la cohérence et le respect des institutions afin de préserver la confiance publique et la stabilité internationale.
Hugues Saury, 15 avril 2025