Le parti Les Républicains vit un moment décisif de son histoire. Avec les turbulences des gouvernements Lecornu I et II, les équilibres politiques, déjà fortement perturbés par la dissolution de 2024, ont volé en éclats. Sébastien Lecornu, en choisissant d’abandonner la seule réelle réforme des années Macron, a incarné une volonté de retour au calme. Mais cette ouverture, idéologiquement contre-intuitive, a aussi brouillé les repères d’un électorat de droite attaché à la clarté et à la fidélité. Cet épisode a démontré une chose : la droite ne peut se contenter d’être un appoint, ni un correctif technique d’un macronisme en bout de course. Pour exister, elle doit, si elle le peut – et il le faut –, redevenir une force politique unie, libre et fière de ses convictions.
Aujourd’hui, les discussions – mais les ambitions sans doute également – traversent profondément cette famille politique. Les députés Les Républicains, confrontés à un électorat volatile, cherchent souvent à peser dans le débat parlementaire pour éviter les blocages et répondre à l’impatience des Français. Leur pragmatisme est légitime. Mais, au Sénat, notre rôle est différent : nous incarnons la stabilité, la continuité républicaine, la réflexion sur le fond et la cohérence. Nous sommes, pour la majorité, les gardiens d’une ligne, celle d’une droite qui ne se renie pas, qui ne transige pas sur ses valeurs : l’autorité de l’État, le travail, la responsabilité individuelle, la maîtrise des finances publiques, la défense de la Nation et de son identité. Dans l’Histoire, Assemblée nationale et Sénat se sont souvent opposés, y compris par les tenants d’un même courant politique. Deux modes de scrutin, deux typologies de parlementaires conduisent à des approches différentes et à un ordre de priorités qui peut diverger.
Dans cet équilibre difficile, Bruno Retailleau joue un rôle déterminant. Sa mission n’est pas enviable : il doit tenir ensemble des sensibilités parfois éloignées, conjuguer la fidélité aux principes et l’exigence d’efficacité. Il n’est pas le chef d’une opposition stérile, mais le garant d’une cohérence. Être responsable ne signifie pas se soumettre ; être fidèle ne signifie pas refuser le dialogue. Agir pour le pays, mais sans jamais renoncer à ce que nous sommes, c’est la voie que trace le président du mouvement.
Oui, la politique est faite de valeurs et de convictions, il s’agit d’en convaincre à nouveau. Et quand ces valeurs s’opposent, le compromis devient difficile. Mais la France ne peut se maintenir dans l’affrontement ou la paralysie, ni dans les postures ou les reculs. Dans un pays mature, on peut discuter, débattre, se battre peut-être aussi, mais ce ne sont pas les positions partisanes qui fédèrent et, à la fin, il faut décider ensemble des choses sensées. « Sensées », qui est le synonyme d’« intérêt général » pour le pays.
Une majorité de Français n’attend pas une idéologie, mais veut une démarche pragmatique capable de résoudre les problèmes, de corriger les injustices et de proposer des perspectives. Une politique ferme mais constructive, qui assume de dire non quand c’est nécessaire, et plus que tout animée d’esprit d’initiative pour bâtir et rassembler. Je crois que les électeurs proches de cette sensibilité attendent une droite de cette envergure, et qu’elle dispose de tous les moyens de l’être.
L’enjeu dépasse nos querelles internes. Sans une droite ancrée dans l’union et la force, le prochain rendez-vous des élections présidentielles se jouera entre les extrêmes : Le Pen ou Bardella face à Mélenchon. À dix-huit mois de cette échéance, je ne veux pas croire que l’histoire soit déjà écrite. LFI et RN, ce sont deux approches illusoires également dangereuses pour la France et porteuses d’une violence plus ou moins assumée. L’une enfermerait le pays dans la colère identitaire, l’autre le livrerait à l’utopie ruineuse du collectivisme, les deux s’adonneraient à la gabegie. Contre cette double impasse, la droite républicaine représente la seule voie crédible, la seule capable de conjuguer autorité et liberté, justice et responsabilité.
On cite souvent le général de Gaulle, parfois à tort et à travers. Mais souvenons-nous que sa pratique du pouvoir, que d’aucuns ont pu qualifier de despotisme éclairé, son autorité, s’enracinaient dans un amour absolu de la France et dans une vision du long terme. Le Gaullisme, ce n’était pas la soumission à un homme, c’était l’adhésion à une idée de la France. C’est cet esprit-là que nous devons retrouver : la primauté de l’intérêt général, le courage de décider, la fidélité à la parole donnée.
Alors oui, la droite doute, mais la droite vit. Elle a traversé d’autres tempêtes. Elle a survécu parce qu’elle repose sur un socle solide de valeurs cardinales nécessaires, mais surtout naturelles à la France. Pour elle, l’unité n’est pas un luxe, c’est une condition de survie. C’est aussi une exigence morale. À nous, parlementaires, élus locaux, militants de la reconstruire patiemment, lucidement, avec la conviction que notre pays a besoin d’une droite debout – une droite qui n’a pas peur d’assumer ses valeurs, qui refuse les compromissions mais cherche les solutions. Car, au fond, « le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire », comme l’a justement formulé dans un discours à la jeunesse, un grand homme de gauche, Jean Jaurès – et c’est ce courage là que nous devons incarner pour que la France se relève, non dans la division, mais dans la clarté et la responsabilité.
Hugues Saury,
20 octobre 2025

