Éditorial de la lettre bimensuelle n°115

Fratel­li Tut­ti

A cha­cun son con­clave. A l’heure où notre Pre­mier min­istre prêche pour la bonne fin de celui des retraites, un autre, le vrai, sécu­laire et beau­coup plus empreint de solen­nité, s’ouvre sous les lumineuses voûtes de la Chapelle Six­tine.

Une élec­tion qui ressem­ble à bien d’autres, même si celle-ci est cen­sée être dom­inée par l’Esprit-Saint et donc devoir échap­per aux com­bi­naisons, trac­ta­tions et autres dis­cus­sions de couloir. Il est, en effet, prob­a­ble que les tours de scrutin précé­dant la mon­tée de la fumée blanche auront été pré­parés en coulisse, comme le veut tout recours aux suf­frages d’une assem­blée qui, pour être spir­ituelle­ment inspirée, n’en reste pas moins humaine… Et cha­cun d’y aller de ses pré­dic­tions, évo­quant, qui la con­ti­nu­ité, qui l’alternance des « poli­tiques » qui seront menées par le prochain Sou­verain pon­tife sur le Trône de Pierre.

Ce Pape, volon­taire et courageux, con­sid­éré comme pro­gres­siste s’agissant du sort ter­restre des hommes, et pro­fondé­ment respectueux des dogmes intan­gi­bles de l’Eglise du Christ, a fait souf­fler un vent de pas­sion dans le monde et a eu le mérite de bous­culer les pra­tiques et les rou­tines. Sans met­tre le feu à l’Institution, il a allumé en elle une flamme qui a réveil­lé les ardeurs sur toute la planète. Grand com­mu­ni­cant et, à ce titre, évidem­ment con­tro­ver­sé, il a lancé de nom­breux chantiers qui, sans doute, n’aboutiront pas tous, l’inertie insti­tu­tion­nelle reprenant ses droits… Il a surtout remis de l’ordre dans les finances du Vat­i­can et assai­ni la ges­tion du gou­verne­ment, réfor­mant de fond en comble la Curie avec, entre autres inno­va­tions, des nom­i­na­tions féminines d’importance, … sans oubli­er le renou­velle­ment de près de 80% du col­lège des car­dinaux, pour tenir compte de l’implantation, au plan mon­di­al, de l’Eglise catholique.

Com­para­i­son n’est pas rai­son, et les pro­por­tions ne sont pas les mêmes… Mais si nous recen­trons nos regards sur notre pro­pre envi­ron­nement hexag­o­nal, nous pour­rions évo­quer le sort d’un autre cham­pi­on des médias, atten­du et élu dans l’espérance et qui, huit années plus tard, une réélec­tion bâclée, une dis­so­lu­tion, et six Pre­miers min­istres, se trou­ve au plus bas dans les sondages, dans un pays en qua­si-fail­lite. Ce résul­tat est l’effet d’une poli­tique capricieuse, menée au jour le jour, fonc­tion des impérat­ifs du moment en ter­mes d’image et ryth­mée par l’écho recher­ché des médias ; une poli­tique évi­tant, autant que pos­si­ble, toute déci­sion sus­cep­ti­ble d’engendrer peur et insat­is­fac­tion, quitte à dis­tribuer des chèques que le pays ne peut plus hon­or­er.

Alors que la colère gronde de toutes parts, la France espère faire nation autour d’une per­son­nal­ité, au sens pro­pre du terme, sus­cep­ti­ble de présen­ter une vision, une stratégie et suff­isam­ment de déter­mi­na­tion pour aller au bout de ses con­vic­tions et de ses promess­es… Cela se trou­ve encore, heureuse­ment. Mais il ne faut plus per­dre de temps.

« L’avenir com­mence aujourd’hui, pas demain » dis­ait le Pape François.